Politique

La Compagnie Dérézo déploie depuis sa création des outils d’intervention et de partage artistiques insolites. Nos spectacles explorent autant le poétique, le forain, la forme brève, que la performance, la musique, le masque ou le théâtre de rue. Les cloisonnements ne nous intéressent pas. Les populations sont différentes, les architectures de jeu aussi.

Cela nous amène à fabriquer des formes de représentation entretenant des rapports singuliers aux textes, à la parole, à l’espace et aux corps.

Ne souhaitant pas démissionner de notre responsabilité civique. Nous sommes dans la Cité donc nous faisons un théâtre d’art et de service public.
Pour cela, Dérézo veut se distinguer des racolages socioculturels et des stratégies commerciales de subsistance et/ou d’oppression. Nous revendiquons la possibilité de partage de la pensée, du mystère et du poétique à l’endroit d’un théâtre d’art. Et ceci en dehors des habitudes culturelles niveleuses qui font école aujourd’hui. Le plateau de théâtre est le lieu où l’on aiguise son sens critique, où l’on affronte ce que l’on peut ne pas comprendre.

De grandes questions citoyennes ont concrètement amorcé certaines de nos créations : par exemple « Qu’est-ce que la laïcité ? » ou bien « Quelle place pour l’artiste dans la Cité contemporaine ? » ou encore « qu’apprenons nous des machines et en retour qu’est-ce que les machines apprennent de nous ».
Les commandes d’écriture passées à des auteurs vivants en témoignent.

Parce que le théâtre est le coin du peuple, des citoyens, de la horde ; le théâtre (de rue, de cave, de salle ou de salon) se doit d’être le lieu du politique. C’est-à-dire du rapport entre le pouvoir et cette population. C’est-à-dire du rapport sensible, donc esthétique, que chacun·e entretiendra avec les formes spectaculaires (et leur contenu) que nous proposons.

Il y a une violence inhérente à l’acte théâtral, une violence choisie, presque obligatoire, et que nous passons souvent sous silence : ce que met en marche notre théâtre ne peut être mis en marche que par lui et il peut tout perdre à tout moment. Et c’est cela précisément qui crée, comme pour nous sauver, les conditions d’une violence.

Nous avons décidé que notre théâtre ne se love pas dans le divertissement, ni même dans ses insidieuses formes dérivées. Car c’est bien de notre responsabilité que nous divertit le divertissement. Et cela n’ampute à personne ni le plaisir, ni la fête, ni l’humour. Il y a un théâtre malade parce qu’il n’agite rien ; pas même un « drapeau en guise de raisonnement ». Il se dit de divertissement, il est apolitique : la voie est libre à l’oppression sous le prétexte du plaisir reposant à ne plus penser. Et, par opposition, par inversion des pôles, il existe aussi un théâtre aliéné qui ne veut se penser que par les idéologies. C’est-à-dire qu’il ne joue pas, il est joué.

Nous dirons dans ce cas, que nous cherchons à dé-jouer.
Un spectacle est une proposition.
Le spectateur, en regardant, agit : il reçoit.
Et recevoir est une activité puissante.
Elle émerge en réponse à la charge d’irrationnel que suppose un spectacle. En réponse à ce maniement des formes, des signes et des langages produits pour l’écoute d’un autre.

Trop souvent réduit à celui qui doit se laisser transformer, il lui incombe aussi de transformer. À lui-elle de conduire son propre poème au-delà de la forme d’un spectacle. Il est acteur·rice de cette conduite, il est auteur·rice de ce poème.
Dans ce je vais/je viens, d’un poème à l’autre, il en va de son émancipation : un geste sportif qui le fait aller de son monde... au monde.
Et le réel n’a qu’à bien se tenir puisqu’il n’est plus, alors, que le monde transformé par notre présence en lui.
Ce que le spectateur reçoit, le spectateur peut le transformer.
S’il ne transforme rien, il consomme.
Quels spectateur·rice·s sommes-nous ?

Le contraire de la violence ce n’est pas la douceur, mais la pensée.